Une filière en plein bouleversement – quelles conséquences sur la gestion ?

Une filière en plein bouleversement – quelles conséquences sur la gestion ?

Le contexte économique a bien changé… Et cela commence à avoir des conséquences sur la gestion.

Il y a un an, j’écrivais que la filière bois n’avait pas été fondamentalement perturbée par la crise du Covid. Il est vrai que les chantiers forestiers ont été peu perturbés par les contraintes sanitaires et que l’atonie de la demande encore constatée à l’époque ne présageait pas de changements à venir.

Pourtant, avec la reprise économique, dopée par plusieurs plans de relance à travers le monde, la demande a fait de nombreux à-coups ces derniers mois, dopant notamment les ventes de douglas et de sapin pectiné (je pourrai y revenir après nos ventes de printemps). A cela s’est ajoutée l’évolution des normes constructives qui pousse bien mieux qu’avant le bois dans la construction neuve…

Si l’augmentation des cours est une bonne nouvelle du côté amont de la filière (cela faisait des années que la demande était poussive), cela a des effets négatifs sur la vision à long terme de la sylviculture. Les acheteurs de bois ont été nombreux à pousser pour des coupes plus intensives, notamment dans la petite propriété non soumise à plan de gestion ou à demandes d’autorisations…

Lorsque ces coupes se font dans des plantations résineuses non éclaircies car de trop faible surface et proches de la maturité, cela peut se comprendre. Quand cela touche des propriétés avec une réelle valeur d’avenir, c’est dommage… J’ai vu trop souvent ces derniers temps des coupes rases de sapinières ou de pinède de plus de 1ha en bord de route, alors que ces peuplements peuvent s’éclaircir et se régénérer naturellement. J’ai sincèrement le sentiment que certains forestiers surestiment (parfois sciemment) les risques de dépérissement rapide de nos sapins pour inciter les propriétaires à la coupe rase… Or, les dépérissements dans le sapin sont souvent beaucoup moins rapides que pour l’épicéa ou le grandis…

De plus, les diamètres d’exploitabilité encore considérés à l’heure actuelle partent d’une hypothèse de coûts de renouvellement modérés, qui ne tiennent pas compte des coûts actuels de main d’œuvre, des nécessaires protections gibier et des risques de sécheresse printanières qui multiplient le risque d’échec. Ces facteurs devraient bien d’avantage nous inciter à conserver des peuplements productifs sur pied afin de profiter de leur accroissement (à condition bien évidemment de pouvoir les éclaircir pour préserver leur stabilité).

Il faut aussi bien se rendre compte que couper à blanc, c’est sortir de l’argent de la forêt : il faut bien réfléchir à l’intérêt (c’est le cas de le dire) de le faire : un peuplement à 10 000 €/ha qui fructifie à 3%, c’est 300 €/ha/an de gain. En sortant cette valeur et en plantant à 4 000 €/ha (fourchette basse), on retire 6000 €/ha et on garde un gain de seulement 120 €/ha… Avec au passage une prise de risque importante en cas d’échec de la plantation.

Considérer la maturité ou non d’un peuplement doit donc se réfléchir au cas par cas, selon les contraintes techniques et les attentes du propriétaire. A bien garder en tête dans un contexte économique effectivement incitatif…


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